Comment a été créé le "Trou" ?
La création de la S.S. a suscité, dès le départ, d’importantes attaques du patronat et du gouvernement en vue de réduire sa portée.
LA NAISSANCE DU SYSTEME DE SECURITE SOCIALE
Le système français de Sécurité Sociale tel que nous le connaissons aujourd’hui résulte d’une longue évolution historique. Les premiers régimes de protection sociale sont créés dès la 17ème Siècle (marins 1689), puis au 18ème Siècle [fonctionnaires 1790] et au début du 19ëme Siècle (mineurs) sur la base de regroupements corporatifs.
La première loi générale date du 1er avril 1698 et autorise les sociétés de secours mutuel à couvrir leurs membres contre les risques de maladie et de vieillesse. La loi du 9 avril 1698 organisa la protection contre les risques d’accident du travail en reconnaissant le principe de la responsabilité patronale ; il s’agit là d’une première grande victoire du mouvement ouvrier en la matière.
Les étapes suivantes sont :
la loi du 5 avril 1910 qui se proposait d’instituer un régime d’assurances vieillesse obligatoires pour les salariés de l’industrie, du commerce st de l’agriculture.
les lois du 5 avril 1926 et 3D avtil 1930 mirent en place un système d’assurance sociale couvrant les risques de maladie, de maternité, d’invalidité et de vieillesse des salariés de l’industrie, du commerce st de l’agriculture.
Ainsi, à la veille de la seconde guerre mondiale, il existait en France un ensemble disparate de régimes couvrant dans des conditions variables selon les risques moins de la moitié de la population (si l’on classe à part les prestations familiales).
Il faudra attendre 1944 pour qu’apparaissant le concept de sécurité sociale. Le programme du Conseil National de la Résistance adepte le 15 Mars 1944 prévoyait l’élaboration d’un "plan complet de Sécurité Sociale visant à assurer à tous les citoyens des moyens d’existenae, dans tous les cas où ils sont incapables de se les procurer par le travail avec gestion appartenant aux représentants des intéressés et de l’Etat".
La Sécurité Sociale sera créée par l’ordonnance du 4 octobre 1945, dont il est utile de citer l’article 1er : "Il est institué una organisation de Sécurité Sociale destinée à garantir les travailleurs et leurs familles contre les risques de toute nature susceptibles de réduire ou de supprimer leur capacité de gain, à couvrir les charges de maternité et les charges de famille qu’ils supportent.
L’organisation de la Sécurité Sociale assure dès à présent le service des prestations prévues par les législations concernant les assurances sociales, l’allocation aux vieux travailleurs salariés, les accidents du travail et maladies professionnelles et les allocations familiales et de salaire unique.
Des ordonnances ultérieures procéderont à l’harmonisation des dites législations et pourront étendre le chamn d’application de l’organisation de la Sécurité Sociale à des catégories nouvelles de bénéficiaires et à des risques ou prestations non prévues par les texte en vigueur."
On voit ici apparaître la notion de droit à la Santé, idée radicalement nouvelle, directement inspirée des forces de progrès qui furent l’élément essentiel de la Résistance, On parlait aussi dans le programme du C.N.R. de droit au travail, droit au repos, de garantie du pouvoir d’achat, de sécurité de l’emploi, de droit à l’instruction (c’est dire l’actualité de ce programme).
Les principes de fonctionnement étaient unité, universalité et gestion par les intéressés.
Unité : Regroupement des différents systèmes existants, unité de trésorerie par la compensation nationale des charges.
Universalité : Généralisation du système à toute la population, les régi- mes spéciaux n’étant maintenus qu’à titre provisoire.
Gestion par les intéressés : Financées par les cotisations ouvrières et patronales, les différentes caisses primaires étaient dotées de conseil d’administration comportant essentiellement :
- 3/4 de représentants de travailleurs
- 1/4 de représentants d’employeurs,
élus au scrutin de liste avec représentation proportionnelle.
LES ATTAQUES CONTRE LA S.S.
En 1948, le général de Gaulle, alors président du R.P.F., déclarait nécessaire de "réduire les dépenses sociales d’une manière effective et durable en procédant ; notamment à la réforme du fonctionnement des Assurances Sociales." Plus tard, le 30 décembre 1958, c’est alors le président de Gaulle qui parle : "Il convient de combler dans le fonctionnement des Assurances Sociales, le déficit dont les fonds publics ont à supporter la charge. "
Toujours en 1958, un des premiers actes du gouvernement Debré fut d’introduire une franchise de 3000 F (de l’époque) par semestre ce qui représente au moins 100 de nos Euros : ce n’est que pour des dépenses de santé dépassant cette somme que l’assure social était remboursé. La vigueur de la riposte des organisations démocratiques a amené le gouvernement à retirer rapidement cette mesure. Cependant, une seconde mesure accompagnant la franchise est restée en place : la suppression de l’allocation de salaire unique pour le premier enfant au-delà de cinq ans (au lieu de 10 avant 1958).
Ces premières attaques restaient aux yeux des pouvoirs publics nettement insuffisantes pour réduire les dépenses de santé. De son côté, le CNPF déclarait en 1961 qu’il "ne pouvait admettre le caractère inéluctable des charges supplémentaires sans cesse accrues ni accepter que l’on doive uniquement se résigner à susciter des ressources pour les couvrir : le problème de fond qui se pose aujourd’hui est de fixer les limites dans lesquelles la charge de S .S. peut et doit être contenue et de déterminer les moyens de faire respecter ces limites."
LE "DEFICIT" DE LA S.S.
Pour faire "passer" ces mesures impopulaires, le pouvoir a cherché des "justifications". C’est ainsi que fût mise sur pied l’opération-déficit"
En 1958, le régime général de S.S. était excédentaire de 534 millions de Francs actuels accumulés depuis 1947, il fallait donc créer un déficit et on s’y employât ;
a) détournement de fonds de leur destination initiale : 770 millions de N.F. payés chaque année par les automobilistes sous forme de vignettes pour alimenter le Fond National de Solidarité (Allocation Vieillesse des non- salariés) et que l’État oubliait de verser...
b) charges indues ; l’État exigeait, progressivement, que la S,S. finançât des charges qui lui incombaient jusque là (la Cour des Comptes a estimé à 4 milliards de francs par an ces charges), c’est, évidemment, le régime général qui fût frappé ;
financement du déficit des autres régimes,
participation au financement de l’enseignement de la médecine, de la recherche médicale, de l’équipement hospitalier,
traitement des fonctionnaires contrôlant la S.S. au ministère du Travail. Malgré cela, les statistiques officielles indiquaient encore un éxcédent de 480 millions de Francs pour la période 1947-1965.
LES ORDONNANCES DE 1967.
Une nouvelle fois jugées insuffisantes, ces attaques économiques allaient se doubler, en 1967, de nouvelles atteintes beaucoup plus politiques contre les principes mêmes qui furent à l’origine de la création de la S.S., nous pouvons résumer le résultat des ordonnances p le tableau ci-dessous :
ORGANISATION ADMINISTRATIVE ET FINANCIERE
AVANT LES ORDONNANCES |
APRES LES ORDONNANCES |
Une caisse unique gérait tous les risques et assurait les compensations selon le principe de la solidarité nationale. |
Création de 3 caisses distinctes maladie, allocations familiales, vieillesse, contraintes d’équilibre leur budget sans compensation de 1’ une à l’autre. |
La caisse nationale envoyait à chaque caisse primaire l’argent dont celle-ci avait besoin, garantissant sa solvabilité. |
Les caisses nationales peuvent faire pression sur les caisses primaires en cas de gestion déficitaire. leur imposer des mesures d’économie. |
Les Conseils d’Administration des caisses étaient élus à la proportionnelle par les salariés et les employeurs sur des listes présentées par leurs organisations. |
Elections supprimées. Les administrateurs sont désignés et l’Etat décide quelles sont les organisations les plus représentatives. |
Les salariés avaient la majorité dans les C.A. Les patrons avaient moins du quart des membres des Conseils |
Les patrons sont â parité avec les salariés dans toutes les caisses. |
Caisses primaires (selon l’importance) : 4 patrons sur 22 6 patrons sur 31 9 patrons sur 43. Caisses Régionales : 6 patrons sur 31. |
ex Caisses maladies :
— 9 patrons
— S salaries : 3 CGT, 2 CFDT, 2 FO 1 CFTC, 1 CGC. Le patronat profitant de la division syndicale devient donc maître des caisses. |
COTISATIONS
AVANT LES ORDONNANCES |
APRES LES ORDONNANCES |
Le salarié du régime général payait 6% prélevés sur le salaire jusqu’à un plafond de 1 140 F (en 1967). |
Il paie 6,5% sous le plafond et 1% au delà du plafond. Les fonctionnaires subissent aussi augmentation et déplafonnement. |
Les automobilistes ne payaient que leur prime d’assurance et la vignette (d’ailleurs, détournée de sa destination). |
Cotisation supplémentaire pour lea propriétaires de tout véhicule terrestre à moteur. |
PRESTATIONS MALADIE
AVANT LES ORDONNANCES |
APRES LES ORDONNANCES |
Les durées maxima de travail et d’immatriculation étalent fixées par le Code de la Sécurité Sociale. |
Elles sont fixées par décret et modifiables à tout moment. |
Le ticket modérateur était fixé par le code de la S.S, : à 20% pour les frais médicaux à 10, 20 ou 30% pour les frais pharmaceutiques. Le ticket modérateur était le même pour tous les assurés. |
Augmentation du ticket modérateur qui est fixé par décret : à 30% pour frais médicaux et dentaires
Il pourra être"modulé" par décret. |
Le remboursement des soins était automatiquement fixé à 100% pour les pensionnés d’invalidité, les opérations importantes (à partir de l’appendicectomie, les accouchements, l’ hospitalisation à partir du 3ème jour, les maladies de longue durée, etc.. |
Tous les textes sur les 100% automatiques sont abrogés. Des décrets préciseront quelques cas où la participation des assurés pourra être supprimée ou limitée. |
Les mutuelles et caisses de secours étaient libres de garantir complètement leurs adhérents des frais non remboursés par la S.S. |
Le "ticket modérateur d’ordre public" supprime cette liberté. |
Le tiers payant permettait aux assurés de ne pas faire l’avance des frais médicaux, pharmaceutiques, remboursables par la S.S. Il était pratiqué par les hôpitaux, cliniques dispensaires, mutuelles. |
Tiers payant supprimé. |
Pendant les cures thermales, l’assuré social percevait des Indemnités Journalières comme pendant toute maladie. |
Ce droit est supprimé. |
Les personnes âgées de plus de 60 ans, titulaires d’une pension avalent droits comme tous les autres assurés, à une indemnité Journalière pour arrêt de travail maladie |
En cas d’arrêt de travail maladie, les indemnités journalières sont supprimées ou réduites pour tous les pensionnés âgés de plus de 60 ans |
PRESTATIONS FAMILIALES
AVANT LES ORDONNANCES |
APRES LES ORDONNANCES |
Allocation de salaire unique pour les jeunes ménages sans enfant pendant les deux premières années du mariage. |
Ce droit est supprimé. Seul est maintenu le droit éventuel à l’allocation logement |
Notons, enfin, que la S.S. a subi et subit encore très lourdement le poids des cotisations patronales non payés ainsi que les énormes profits réalisés par l’industrie pharmaceutique française.